Là-bas, au cœur du Caucase un grand projet d’aménagement touristique est en cours. Le but est de dynamiser une région avec la création d’une station de ski et d’offrir un niveau de prestation digne de ce qui se fait de mieux dans le monde. À cette occasion, un documentaire promotionnel doit être tourné. Deux semaines tous frais compris avec hélicoptère à disposition pour sortir les plus belles images possible et de tester skis aux pieds, le potentiel de la région. Du rêve à l’échelle russe…
Ce matin-là, Thibaud DUCHOSAL reçoit un email d’une avocate russe qui lui demande s’il est intéressé par un voyage heliski où tout est quasiment offert dans le Caucase, pour 10 personnes. Bin voyons ! Difficile à croire, pourtant, pour Continental Communications, la boite de production russe, il s'agit dans le cadre d'une série de reportages TV sur la région d'Arkhyz de suivre une équipe de production avec des freerider professionnels, pour faire la promotion de la future station de ski qui verra le jour d'ici 3 ans. Cette station sera construite comme 4 autres sur le territoire russe en collaboration avec la Compagnie des Alpes et servira à dynamiser la région, offrir de l'emploi, et garder la clientèle russe en Russie.
Nous avons profité de cette occasion unique pour aller skier dans les montagnes caucasiennes et découvrir ce futur spot pour voir si son potentiel sera à la hauteur de l’ambitieux projet dont il fait l’objet.
Après être accueillis comme des princes à Moscou par Alexey KHLOPOV, le directeur de Continental Communications, nous nous envolons pour l’aéroport de Mineralnye Vody.
Arkyz se traduit par « belle demoiselle ». Cette région est à environ 250 km de l’aéroport et porte bien son nom, mais il nous faudra presque 4 heures pour faire le trajet en mini bus sur des routes souvent chaotiques, en traversant villes et villages pour y arriver.
Actuellement, c’est le moyen le plus rapide, mais un nouvel aéroport est en projet à une cinquantaine de km de la base hélico, il devrait voir le jour d’ici 3 ou 5 ans. Sont également en projet la construction d’une nouvelle route et l’amélioration du système ferroviaire.
Notre Hôtel est situé au pied du mont Pastukhov où est implanté l’observatoire de Zélentchouk, le plus grand et le plus haut télescope de la Fédération de Russie. Nous sommes à environ 40 minutes de trajet sur routes partiellement goudronnées de la base d’hélico, notre QG pour ce trip. Tous les matins, nous nous y rendons en espérant pouvoir voler. La future station elle se trouvera à une petite dizaine de kilomètres après la base. Pour l’instant il n’y a que quelques constructions en béton brut et un télésiège débutant en rodage, il sera normalement ouvert aux skieurs en décembre 2012. Il dessert une piste bleue/verte. Puis petit à petit, la station progressera d’abord par le flanc sud, car la zone est plus facile à aménager, viendra ensuite le côté nord. Les skieurs pourront utiliser les remontées au fur et à mesure de leur création. Le chantier est aujourd’hui interdit au public, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : 263 km de pistes dont 106 avec neige artificielle. 54 remontées mécaniques pour un débit de 45 000 personnes / jour. Un domaine skiable échelonné entre 1453 m et 3071 m et un potentiel de 24 000 lits.
La station est englobée dans un projet bien plus ambitieux qui verra la construction de cinq nouvelles autres de classe mondiale avec un service et des niveaux techniques comparables aux stations les plus populaires du monde: Park City et Vail (USA), Les arcs et Val Thorens (France), Ischgl (Autriche), Zermatt et Gstaad (Suisse). Au total, ce sera près de 900 km de pistes, 180 remontées mécaniques et 90 000 lits…
Le côté écologique n’est pas pour autant ignoré. La région est sauvage et l’écosystème sera protégé au mieux dans le plein respect des principes de construction écologique.
Les équipements publics, et les installations sportives seront en conformité avec le système de normes de certification « Green ». Ce système comprend des exigences en matière de prévention de la pollution pendant les travaux de construction et d'installation, l'aménagement paysager et l'irrigation du territoire, la réduction de la pollution visuelle et l'effet de chauffage local, la maîtrise des eaux pluviales et des ressources naturelles, l’efficacité énergétique, l'utilisation de matériaux de construction respectueux de l'environnement et la conformité des constructions avec les normes sanitaires, épidémiologiques et d'hygiène, etc. Il y a des choses à faire et d’autres à éviter, le recul obtenu avec les « vieilles » stations Alpines est un atout majeur pour éviter de grosses erreurs tant au niveau écologique, qu’esthétique et financier.
Ici, les conditions météo ne sont pas toujours simples nous restons sur le qui-vive dès qu’une fenêtre s’ouvre. Comme il n’y a pas encore de station proprement dite, on ne peut pas skier en cas de mauvais temps. Pour l’instant, le seul moyen d’accéder aux sommets est l’hélico ou la randonnée, mais les marches d’approches sont très longues, car elles partent du fond des vallées. Le potentiel est énorme. Le Caucase est très beau et très sauvage. Sacha, le chef-pilote de la base résume ce qu'on ressent là-bas : "j'adore le Caucase, c'est le wild wild west. Il n'y a pas de règles, tu vas où tu veux".
Le mont Elbrouz, qui dépasse les 5 600 m d'altitude est le point culminant du massif, mais aussi le plus haut sommet du continent européen. Nous ne sommes cependant pas dans sa zone immédiate, mais par son altitude il influence grandement les températures et le climat de la région. Ce qui permet la pratique du ski durant tout l’hiver soit de décembre à avril avec une période idéale de mi-janvier à mi-mars.
La vallée de Zélentchouk est entourée de sommets de 3000 m, et aucune zone n’est interdite pour les déposes. À moins de 20 min de vol de la base, on a déjà de quoi bien s’amuser. Notre premier choix se porte sur une ligne de crêtes surmontant des faces assez courtes. Histoire de se mettre en jambe et de prendre contact avec le terrain. Puis au fur et à mesure, d’accéder à des faces plus grandes et plus engagées. Il est clair que l’on trouve de tout et pour tous les niveaux. Les pilotes proposent un panel important de lieux de dépose en fonction de la demande des clients, mais aussi des conditions au jour le jour, car on peut passer du grand soleil aux froids polaires (-25°C avec du vent). Des chutes de neige, des jours blancs, bref une vraie météo de montagne de type continental.
Étant donné le côté sauvage des montagnes, le pilote doit aussi tenir compte, lors des déposes, du rapatriement des skieurs. En cas de problème, la plupart des fonds de vallées ne sont pas accessibles en voiture et ne sont bien sûr pas habités. Lors de notre séjour, l’hélicoptère fut envoyé sur la zone du Mont Elbrouz à la recherche des corps de trois alpinistes disparus. Ils ne furent pas retrouvés.
Mais Sacha, top gun expérimenté, tente toutes les déposes. Il n’abdique qu’une seule fois après plusieurs tentatives infructueuses à cause d’un vent particulièrement violent. Sur le coup, le pire est évité ! La porte passagère fend sous le choc alors qu’elle a failli être arrachée. Petite peur pour les riders !
Les conditions de neiges sont vraiment différentes en fonction des zones de dépose, et le danger est présent avec parfois de grosses plaques qui partent sous les skis, notamment lorsque les réceptions sont dures et que les skieurs font vibrer tout le manteau neigeux. Mais sur certaines lignes, c’est tout simplement paradisiaque ! Une neige profonde et fraiche sans aucun piège et des réceptions de velours. C’est ce qui permet notamment à Enak de sauter une énorme barre en lincoln pour finir complètement enseveli dans la neige. Seule sa bouche sort (il a fallu le sortir de là en creusant avec une pelle)
Notre seul regret aura peut être été de ne pas pouvoir skier des grandes faces situées sur des sommets trop éloignés de la base à cause du nombre de rotations importantes pour déplacer toute notre équipe, mais lors des retours, Sacha nous fait des démonstrations de vol. Rase motte au-dessus de la rivière avec virages serrés et cabrages pour éviter les arbres. Piqués, survol au ras de la route à 150 km/h… Du grand spectacle !
Varvara (Barbara en français) notre petite interprète Russe s’occupe de nos moindres besoins. Nous mangeons parfois sur la route des Shashlik (brochettes de viande) et du Bortsch (soupe de betteraves rouges) dans une sorte de cabanon ouvert avec un poële au milieu. Il y fait aussi froid à l’intérieur qu’à l’extérieur ou presque ! Mais les gens sont très sympas et heureux de la manne financière qui arrive lorsqu’on vient y manger. Ils sont placés là en attendant les touristes qui viennent visiter le coin, notamment les lieux de pèlerinages.
Il faut dire que dans cette région, les gens vivent du pastoralisme. Ici les vaches vagabondent dans les rues en plein hiver et les routes ne sont pas goudronnées. Toutes les maisons ont un large lopin de terre ou l’on peut y observer chevaux, moutons, chèvres, poules, etc. Ils s’autosuffisent au maximum.
Lorsque la météo ne se prête pas à l’heliski, un programme de remplacement est prévu. Les Russes souhaitent mettre en avant les richesses de la région en utilisant le fait qu’une équipe de tournage française soit présente. Finalement c’est pour nous un grand privilège de visiter l’intérieur de l’observatoire de Zélentchouk en activité. Posté à 2060m au sommet du mont Pastukhovil est accessible toute l’année par une route goudronnée et est ouvert au public lors de visites guidées. À une vingtaine de kilomètres de là, un radiotélescope est lui aussi en activité. L’entreprise qui les possède fait vivre environ 500 personnes.
Plus bas dans la vallée, on peut visiter et même louer la villa où fut signé l’arrêt de la guerre froide entre M.Gorbatchev et H.Kohl ainsi que les divers monuments historiques et religieux de la région comme le rocher sacré qui est tout simplement le visage de Jésus Christ dessiné naturellement dans la roche et qui offre une sorte de lieu de pèlerinage.
À certains endroits, sur les bords des routes des éboulements laissent apparaître des tombes celtes qui sont des petites cavités alignées les unes contre les autres. La région possède aussi des monastères et de nombreuses églises byzantines en plus ou moins bon état de conservation et qui sont les traces des premières civilisations qui ont peuplé ce lieu.
Il est clair que cette région mérite le détour, car la situation en Russie est contradictoire. Il y a beaucoup de montagnes (Caucase, Khbini, l'Oural, l'Altaï, Kamtchatka), mais vraiment peu de stations. Il y a bien Cheget, Krasnaya Polyana, Kirovsk, Sheregesh et quelques autres, mais ces stations ne peuvent pas fournir du ski pour tous les Russes. Arkhyz a un grand potentiel, car sa mise en place ne demande pas trop de travaux (pas de forêts à couper ou de terrain à niveler). Et il est possible d’offrir une prestation de vacances tout au long de l’année avec d’autres activités comme l’équitation, le raid équestre, l'alpinisme, la randonnée, le VTT, l’escalade et même la plongée dans les nombreux lacs. Il y a aussi des cascades et des sources chaudes et de belles rivières pour la pêche.
La région possède également un lourd patrimoine historique et culturel, une chaîne de montagnes majestueuse avec une nature encore sauvage (on y trouve des ours et des loups).
Le potentiel de développent économique est énorme et la nouvelle station aura de fortes retombées sur toute la population locale qui pourra par son patrimoine existant fourni une prestation variée aux futurs touristes. Au niveau ski, ce sera sans doute un petit paradis grâce à l’héliski et bien entendu les infrastructures de la future station située dans un cadre de toute beauté.
Nous sommes fiers et heureux d’avoir participé un peu au développement de tout cet édifice, tout ça en temps plus en tant qu’invités d’honneurs !